Le gouvernement états-unien, en alliance avec la Royaume Unie et la France, a lancé des frappes aériennes en Syrie dans la nuit du 13 au 14 avril 2018 officiellement en réaction à l’utilisation par le régime Assad d’armes chimiques contre la population civile dans la ville de Douma, dans la Ghouta orientale, quelques jours auparavant, tuant environ 70 civils et en blessant quelques centaines. Cette attaque à l’arme chimique conduisit à la décision du retrait contraint de la milice islamique fondamentaliste Jaysh al-Islam en quelques jours vers le nord de la Syrie dans un accord avec le régime de Damas.
Les bombardements des trois puissances occidentales auraient visé trois sites à Damas et à Homs, où le régime de Damas est accusé d’avoir mis au point, fabriqué et stocké des armes chimiques.
Dans ces frappes, aucune victime n’a été signalée et la plupart des installations avaient été évacuées quelques jours avant l’attaque, grâce aux avertissements de la Russie. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont déclaré que les frappes ne visaient pas à paralyser les défenses du régime syrien ni à provoquer un «changement de régime». Elles visaient uniquement à tenter de dissuader Bachar al-Assad d’utiliser des armes chimiques. Les trois alliés ont précisé que l’opération n’était qu’un « one time shot » (coup unique). M. Lavrov a également déclaré qu’avant les frappes américaines contre les cibles syriennes, la Russie avait indiqué aux autorités américaines quelles régions de la Syrie représentaient des “lignes rouges” pour Moscou, et que l’action militaire américaine n’avait pas franchit ces lignes.
Il s’agit à bien des égards d’un « remake » de l’opération de Washington des bombardements américains contre une base syrienne (vidée quelques heures auparavant) en avril 2017 à la suite d’attaques chimiques du régime Assad contre la localité de Khan Cheikhoun, dans le nord-ouest de la Syrie.
Même si les discours des Etats Unis et de la Russie ont été plus virulents les jours suivant les frappes occidentales, le président américain Donald Trump a invité son homologue russe Vladimir Poutine aux Etats-Unis lors d’un appel téléphonique le vendredi 20 avril, et a déclaré qu’il serait heureux de voir Poutine à la Maison Blanche.
Ces frappes ne modifient en rien le rapport de force globale sur le terrain. Le régime de Damas contrôle désormais un peu plus de la moitié du territoire syrien et plus de 80% de la population, et continue ses offensives et bombardements sur différentes régions échappant à son contrôle. La nuit après les bombardements occidentaux, l’aviation du régime syrien menait d’ailleurs des raids sur les régions d’Idlib et de Hama, sous le contrôle divers groupes de l’opposition armée.
En d’autres termes, le régime Assad et ses alliés peuvent continuer les massacres contres les populations civiles avec des « armes conventionnelles ».
Doutes sur les armes chimiques ?
A la suite des bombardements occidentaux, une équipe d’experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) n’a pu entrer dans Douma pour enquêter que le 21 avril, soit deux semaines après les attaques présumées, à cause des restrictions imposées par les autorités syriennes et russes, tandis que plusieurs médecins ont affirmé avoir subi des pressions de la part du régime syrien, qui les auraient menacés de représailles en cas de révélations à la presse et les auraient forcés à se débarrasser de tous les échantillons prélevés
Pour rappel, en novembre 2017, un mois après une mission d’enquête, menée par l’OIAC et le Conseil de sécurité de l’ONU qui avait d’ailleurs conclu que Damas avait commis une attaque au sarin à Khan Cheikhoun, dans le nord-ouest de la Syrie, qui avait tué au moins 83 personnes, la Russie avait bloqué le renouvellement du mandat des enquêteurs qui venait de s’achever.
Depuis 2014, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) dit avoir enquêté sur 70 cas d’attaques au gaz en Syrie, sur un total de 370 signalements, dont la quasi totalité par le régime syrien avec quelques exceptions du groupe djihadiste de l’Etat Islamique.
Certains ont émis des doutes de l’utilisation des armes chimiques par le régime en argumentant de sa supériorité militaire actuelle et qu’il n’y avait donc aucun intérêt à s’en servir. C’est bien surprenant comme logique: Israël est supérieur militairement aux Palestiniens, mais cela ne l’empêche pas d’utiliser du phosphore blanc. Et que dire des Etats-Unis, qui ont confirmé avoir tiré des obus au phosphore blanc dans des zones habitées contrôlées par l’organisation Etat islamique (EI) à Mossoul, en Irak, et vraisemblablement à Raqqa, en Syrie? L’objectif principal de l’utilisation d’armes chimiques est de semer la terreur parmi les populations locales, en Syrie et ailleurs.
Non à toutes les interventions !
L’intervention militaire des puissances occidentales ne cherchait qu’à servir des intérêts politiques nationaux internes et externes de ces élites dirigeantes et accroissent les tensions internationales. Les États-Unis, le Royaume Unie et la France ne se soucient pas des civils syriens ou de ceux de la région. Leurs interventions militaires précédentes dans différentes parties du monde et soutiens à des dictatures dans la région témoignent du peu de considérations concernant les civils et les violations des Droits Humains. Dans un passé récent, l’invasion et l’occupation américaine et britannique de l’Irak en 2003 a par exemple causé la mort de millions de personnes. Ces mêmes états ne se sont pas distingués non plus par l’accueil de masse de réfugiés syriens et d’autres nationalités, bien au contraire, poursuivant très souvent des politiques racistes et sécuritaires à leur encontre
Plus généralement, il faut dénoncer toutes les interventions étrangères qui s’opposent aux aspirations de changements démocratiques en Syrie, que ce soit sous la forme d’un soutien au régime (Russie, Iran, Hezbollah) en participant à sa guerre violente et meurtrière contre les civils ou en se proclamant des « amis du peuple syrien » (Arabie Saoudite, Qatar et Turquie), mais en soutenant les forces les plus réactionnaires de l’opposition, en particulier les mouvements islamiques fondamentalistes, qui s’opposent aux objectifs initiaux du soulèvement populaire débuté en mars 2011.
Choisir un type d’impérialisme ou d’autoritarisme plutôt qu’un autre, c’est garantir la stabilité du système capitaliste et l’exploitation et l’oppression des peuples.
Certains disent qu’on ne pas condamner la Russie et l’Iran en Syrie car ils sont invités par le régime Assad, contrairement aux Etats Unis par exemple. Soyons clair l’illégalité, du point de vue du droit international, de la présence des forces étasuniennes en Syrie pour combattre l’EI (et non le régime syrien) est une réalité. Mais la légalité de la présence des troupes russes (ou iraniennes) – invitées par le régime Assad – ne les rend pas plus légitimes. Car si nous acceptons cette logique, il faudrait dès lors considérer comme légale l’intervention des forces armées d’Arabie saoudite et du Conseil de coopération du Golfe au Bahreïn pour mater la révolte populaire, puisqu’elle a été menée sur l’invitation du régime de Manama.
L’anti-impérialisme sélectif ne permet pas de développer un discours contre toutes les formes d’interventions et de toutes les puissances internationales et régionales, au contraire il l’affaiblit, surtout quand il est utilisé pour développer un discours niant les crimes d’une dictature.
Comme progressiste, nous ne pouvons pas ignorer la nécessité de soutenir les peuples en lutte pour leur libération et émancipation, tout en s’opposant à toutes les forces impérialistes étrangères (internationales et régionales) et groupes autoritaires.
Face aux crimes du régime Assad qui se poursuivent dans le silence et avec la complicité des puissances internationales et régionales qui, elles, se partagent les zones d’influence du pays… Solidarité avec le peuple syrien !